Les mots perdus

Les lettres s’entassent sur un coin de mon bureau…
Enveloppes ouvertes à la hâte,
frébilité de la découverte,
avidité de la lecture
de ces mots que tu m’envoyais souvent.
 
Des mots pleins de conseils,
de sagesse et d’amitié.
A chaque message reçu, un sourire en coin,
une larme qui coule, discrète,
et un immense réconfort…
 
La lecture se nourrit de ce silence qui permet de lire entre les lignes.
Mais quand le silence se traine, s’éternise,
se fait si présent qu’il en devient assourdissant,
que faire des lettres que je ne reçois plus,
perdues en chemin ?
Envolées peut être, prises par un vent lointain …
Trempées jusqu’à la grammaire,
 par cette eau du ciel qui nous séparent.
 
J’ai cherché, du bout de ma plume,
les mots pour te toucher, les mots pour te dire,
mais mes doigts, gourds, les ont effacés.
J’ai cherché un destinataire,
à qui jeter cette bouteille à la mer…
Sur l’encre encore humide de pleurs,
j’ai jeté du sable pour boire cette eau de sel.
 
A la cire, j’ai cacheté,
ce message qui ne dit rien de mes secrets,
rien du sourire de façade que je t’ai envoyé.
Pour ne pas que tu saches,
le goût de mes regrets.
D’une main tremblante,
je t’ai félicité
et gardé pour moi
mon coeur en émoi.
 
Le coeur en déroute ne se dit pas
dans les courriers perdus d’avance.
Je le dis dans les poèmes que tu ne liras jamais.
Les mots se bousulent,
et solitaire dans un coin,
je file les métaphores.
J’attends le retour
d’un courrier marin
qui sentirait l’iode et les embruns,
les souvenirs et les envies,
les aveux et les promesses.
 
Mais les bateaux en papier, bien souvent,
n’arrivent jamais…
Et avec eux s’échouent les rêves qui nous hantent,
avec eux, il se brisent contre la réalité…
Deux mondes trop différents
trop vastes pour s’y retrouver…
 
Et si je le pouvais,
le vent te sifflerait mes chants,
et te porterais mes paroles,
l’histoire d’un poisson qui caracole
sur le souffle léger de quelques mots volés…